dimanche 31 août 2014

toujours Sur Dante


jeudi, 28 août 2014

Pour l’écriture littéraire on s’est choisi un jeu, un jeu sérieux puisqu’il en va d’une espèce de descendance. Le mien serait l’exercice de ce que j’appellerai la « raison fantastique ».

Je suis impliqué dans le dessin érotique que je viens de faire d’après le souvenir de Berthe. J’ai rendu le balancement sensuel de ses hanches, en dessinant un geste de danse qu’elle fait avec les mains obliques à hauteur des hanches, les paumes vers moi, les doigts repliés, mais il faut voir le dessin, elle est toute nue.















vendredi, 29 août 2014

Berthe je la voyais récemment. Tiens, j’ai réussi à rouler un mentholé. Artisanal: tabac à rouler, cannelle en poudre et feuilles sèches de menthe. Oui, j’avais vu Berthe et j’étais resté chez elle très douillet. Elle a suivi mon conseil et elle a porté un chignon. Je trouve que ça la rend plus sexy, parce que le chignon dévoile la nuque, qui est une zone érogène. Au début elle ne semblait pas très d’accord, je me prenais moi-même pour un tyran de lui suggérer, mais je restais convaincu à cause de sa beauté quand elle le portait, le chignon, je ne pouvais pas avoir tort. Et qui d’autre allait trancher la question ?

J’avais appris à dessiner de vrais portraits surtout quand j’avais commencé à retirer des leçons de ses yeux bleu vert clair et de ses lèvres pulpeuses, de ses cheveux aussi j’avais tiré la même leçon, la couleur du portrait est devenue importante pour moi. Mais depuis mes dessins d’enfance (érotiques, il faut dire, puisque à l’école on a voulu à sept ans me punir pour « faire des dessins pornographiques pour les autres enfants » - la prof, une franquiste spécialement ignoble, a dit que j’étais « juif » et a invité la classe à me tabasser brutalement à chaque récréation - et à douce ans j’ai dû « faire disparaître » un cahier complet par la même raison) je prenais un plaisir insensé à dessiner le chignon comme la coiffure féminine de prédilection, surtout si le sujet féminin était « une vrai femme ».
dimanche
Sur la toile d’internet j’ai écouté un groupe obscur des sixties qui a un seul album et dont on sait rien. L’album est une célébration assez étonnante du LSD, étonnante par sa simplicité et sa naïveté. Les poèmes servant de refrain sont des énoncés et tours de langage pris tels quels du réel, sans autre forme poétique que la rime et la chanson. Aucune maladresse chez les instrumentistes pour les plaindre, au contraire ça se laisse écouter. Et nonobstant quelque chose d’obscène saute aux yeux sans qu’on puisse préciser à quoi ça consiste.

Il m’est arrivé à propos du disque dont je parle d’avoir des certitudes délirantes et hallucinatoires à l’égard de son écoute. Je me disais que cette musique était le noyau du temps de l’humanité historique, une sorte de noeud qui rendait puissante sa musique comme le noeud qui réunit le présent avec l’avenir. J’y priais non plus aux dieux, mais au moindre grain de poussière sur les images qui défilaient dans ma tête. Je m’éloignais de mes traits humains pour devenir pulsante matière, mort et vivant à la fois.  Le titre du disque est Trip Away. La découpure du schizophrène laissait tellement béants les composants de ma conscience que je perdais de vue les limites entre mon corps et l’extérieur. A ce point on ne peut plus discriminer dans nos actes et je divaguais déshabillé sur la moquette de l’atelier, tombant sur une nouvelle lecture : Aurora de Jacob Boehme, dans sa superbe et juteuse traduction castillane par Agustin Andreu R.

Je me suis dit que si l’apocalypse venait d’être déclenché par la musique de Sitting Bull, le groupe duquel je parle, le salut je le trouverai dans un livre que la providence mettrait sous mes yeux dans le bazar de ma bibliothèque qui est chaotique.

Et c’est parce que les chansons avaient le tranché propre au réel qu’elles me rappelaient les poèmes chinois insérés dans Das Lied von der Erde, période Tang, mais aussi pour ce qu’en est de la mystique du chamanisme taoïste. Ce qu’aurait pu être la composition de Gustav Mahler était là une création in fine anonyme. De la même manière que la métaphysique chez Jacob Boehme se métamorphose en invitation à la pure sensation, à l’exercice à soi de l’imaginaire sensoriel.

*

Samedi, 6 septembre 2014
Bien que ce soit de ma part une démonstration de désinvolture assez notoire, j’ai le souvenir qu’à l’époque où je me faisais instruire par le Remèdes de l’Amour, d’Ovide, j’ai compris le déclic qui peut exister à imaginer son ex (non pas l’ex amicale mais bien celle qui reste ennemie ) en train de chier au WC. C’est à peine une repère dans le quotidien, aucune garantie n’est désormais liée aux repères, dans la quarantaine.

Que le théâtre c’est une thérapeutique, d’abord, c’est déjà la formulation de celui-ci par Aristote dans sa Poétique, c’est à dire dans la remise de la catharsis en sublimation ou solution en supplément à tout ce qui relève d’une organisation de données aseptique et inopérante.
Si l’on tient compte que la catharsis est multiple, comme le sont les corps auxquels elle s’applique, l’on peut comprendre que le théâtre va forcément opérer ses propriétés médicinales par voie de surprise, et que l’expiation est projetée sur l’ensemble social comme soumise à une formule de perspective, une régulation des distances corporelles qui organise l’ensemble de l’espace ou des espaces. Il n’y aurait que manifestation schizophrène du corps chez le nécessaire et nécessitant bouc émissaire, mais qualitativement la même. Lui c’est l’identité, attrapée dans la poupée de cire que la magicienne perce ou fait fondre. L’on doit ne pas oublier la proverbiale sorcellerie des femmes thésaliennes qui est immédiatement juxtaposée à l’invention théâtrale, et qui aussi existe dans la fabrication de l’écriture même. Je laisse la question à ceux qui la trouveront jouissive, comme on dit en Espagne : hay gente pa to.

Quand on considère la Grèce Antique et Hellenistique l’on est aveuglé souvent par la vision du Même, et d’un seul patron mythique ou religieux et l’on a plutôt du mal à accepter la densité, l’opacité du polythéisme. Que par exemple, certains grecs puissent raisonner leurs croyances et souffrances en accord à un tout autre patron mythique que l’homérique le plus courant, et concevoir une théophanie qui commencerait par la considération de la Nuit et ses filiations, on a du mal à accepter que cela se juxtapose à des patrons dans lesquels la Nuit avec majuscule n’existe du tout. Que d’une maison viennent dans le chemin du vagabond moyen des odeurs d’oignon cuite et que plus loin l’on sente la viande grillée (devant un temple) nécessite que l’on ait fait nous mêmes ce chemin du vagabond, que du temps soit passé sur nos corps, ne soit que le temps de traverser l’agora de la ville.

L’on peut dire que sous l’angle de vision du myope absolu le volcan a effacé pour toujours la réalité antique, le sens du religieux reste opaque, et le chercheur devient celui qui connait le moins sur son sujet.
Dimanche, 7 septembre 2014

Nous sommes donc juste au commencement du savoir sur l’Age Classique, soit notre origine, ce Temps-qui-ne-vieillit-pas, selon nous rapporte, à propos de l’orphisme, Damascius, en Des premiers principes.

On se voit forcés de céder à la superstition finalement et l’on accepte d’entrer dans ce Temps par la Porte (on dirait presque, si le mot finirait par convenir, « providentielle ») de la Nuit, nous rebroussons chemin et nous cherchons dans le mystère, et nous revoilà indistincts des grecs qu’on étudie, rêvant ensemble avec eux.

Il faut rappeler alors, même si le Temps où l’on habite n’est du tout propre à ça, que la justification du phénomène religieux dans un monde à venir ne serait donnée que par l’usage thérapeutique. La seule condition qui sera désormais requise pour l’entreprise religieuse est qu’elle soit thérapeutique. La demi-médecine sera la marge d’existence péremptoire du vivant.

On est donc à l’Age Classique, en train de plonger dans l’entité théologique Nuit. Il arrive que la nuit part chaque matin, que l’on est en été, où les jours gagnent sur les nuits et qu’il est six heures trente. Bientôt s’éclaircira le Ciel. Appelons cette pensée castrée Première Nuit. Même si je pense être plutôt en train de « finir » l’écriture de mon livre.

Le texte sera un pure aide-mémoire pour la parole, si la Terre ralentit sa rotation le nombre de jours de l’année des montres devant diminuer en nombre mais s’intensifier en moments. Puisse la rotation planétaire passer à un second plan, et disons que les Vies seront des Livres. Que le Livre sera une mesure ou mensuration de la pour ainsi dire durée de la vie. Et que la Planète entière sera artistique, quelques fois grâce à l’écriture, avec langue de libre choix. Les vivants seront des dieux au moment de mourir, grâce à leur Oeuvre. La gauche donnera des leçons à la droite. Bref, la nuit des astres.

Quant on perd la nuit, voilà que le trip est fini, voilà donc qu’on redescend, on est notre propre Finnegans’ Wake. Sous chaque Maison, de deux heures de durée, il y aura, peut-être d’innombrables moments, ou bien l’on pourra dire « la Vie s’endort le jour, ou vice-versa. Les vieux voudront vivre la Nuit, faisant la guerre aux Jeunes, quelques fois. Leur aveu si positif, les condamnera à s’éteindre, et la longueur de phrase deviendra vite un compte à rebours. Le lecteur, tenant son livre à la main s’il a les forces, s’il n’est pas déjà accompagné des anges du Purgatoire, devra prendre exemple et imiter la Nouvelle Machine.

Que la lecture passe à être un sport suffirait dans une société blanche pour évacuer les vieux, bien au contraire, lecture et écriture deviendront l’apanage aussi bien des vieux que des jeunes, dans le modèle paradisiaque, et même au Purgatoire la chose écrivante nommée Dante saura ne pas faire lire son DE SENECTUTE aux Jeunes. J’ai comme un souvenir de mon oncle Joaquin ou encore un autre dans la même branche, habillé en cravate à la plage. Et comme dit un ami musicien, le Pape parlera de Freud. La Pluie pourra faire l’objet de condamnation, par absence ou par dommages et intérêts, par voie administrative, pénale si le temps est un temps de dictature, car par de sortes d’ordalie l’on cherchera toujours des coupables. Cette mission de traitre à la classe, qu’était dans la vision de la Transition pour les professeurs réactionnaires la mission de surveillance du délégué de classe et que moi je trouvais assommante, n’est rien d’autre in fine que la mission diabolique des démons chez Dante. Et c’est aussi cela la catharsis, la propriété médicinale du sacré (artistique ou pas reconnu comme tel). (Cf. Giorgio Colli, La sagesse grecque; Orphée: Olympiodore: Commentaire sur le Phédon de Platon; 82 d: Et ils accompliront des rites secrets, aspirant à la libération des ancêtres / scélerats; mais toi qui assure sur eux ton emprise, ceux que tu choisiras / tu les délivreras des âpres tourments et de la passion effrénée. C’est à dire tu les cureras )

Conscient ou inconscient par l’écriture, on dirait que pour Dante, Béatrice est le prénom du Lecteur, et finalement c’est la lecture de la Censure comme chez Klossowski qui fait l’air doucement sévère, adulte, et androgyne de Roberte, l’épouse.

Ce que fait le stigmate inconscient du fumeur est qu’il est un « mangeur de feu », ce qu’on appelait Salamandre dans le domaine spirituel. Mais le fumeur est un phénomène d’une société déjà décompensée par l’injustice, et chercher à résoudre à travers l’art les injustices est fatal pour l’artiste, car l’héroïsme est quelque chose d’assimilable au symptôme, l’héroïsme est la pertinence du symptôme, sans rentrer forcément dans la divinisation lacanienne, ou propre à la folie dans l’analyse lacanien. Le sujet sera responsable non seulement de sa conduite envers les vieux, adultes et enfants, plus animaux et végétaux, mais aussi envers les anges et les intelligences artificielles.

Pour le fumeur donc s’installe la compulsion dès qu’il ne se remet de sa culpabilité qu’en fumant encore. Il se peut qu’un complexe ait conditionné cela, mais le complexe c’est la Vie.

Et n’oublions pas la valeur symbolique de la Salamandre.

Le fumeur fatigue ses poumons, c’est le moins qu’on peut dire, mais qui ne fatigue pas le corps, qui soit en bonne santé, à commencer par le cerveau et sa plasticité fatale (cf. Catherine Malabou, philosophe française enseignant à Berkeley) qui le différencie des nouvelles machines ?

Mardi, 9 septembre 2014

Après ce zigzag, qui était rédigé en transe, j’essaie de conserver l’utile pour développer l’analyse de la Divine Comédie; peut-être l’allusion aux racines latines et grecques du théâtre et, donc, du roman. Mais l’on ne voit dans la littérature ancienne, du moins d’emblée, autre piéton du monde spirituel, à part les philosophes, et même pas, que le héros, ce qui ne convient à l’esprit moderne du roman, et même du théâtre actuel, qui se veut critique et non pas servile en égard du puissant.

Des sorcières de Thessalie avait fait la matière de son autobiographie fictive Apulée, dans l’Ane d’Or. Des rêves et leurs prophéties symboliques ou en rébus, avançant le déplacement et autres mécanismes de la Traumdeutung de Freud, avait voulu établir le catalogue expurgé, dans une volonté réactionnaire mais méticuleuse, Artémidore de Daldis. Et voici que pour un ouvrage qui utilise le même mécanisme que Dante, plus ou moins contemporain, l’on a aussi une dédicace aux rêves. Il s’agit du Roman de la Rose, qui commence comme suit :

Aucunes genz dient qu’en songes
n’a se fables non et mençonges;
mes l’en puet tex songes songier
qui ne sont mie mençongier,
ainz sont après bien apparent,

L’on s’approche par le rêve aux certitudes du fou, du délirant sous la fièvre, du drogué. Et cela constitue la naissance de la rose, et de l’amour. La rose étant le premier symbole du Zohar, où le préambule nous approche de la fleur pour compter ses pétales, pour discerner le rouge du blanc, principes et noms de deux figures géomantiques.

Dieu ou la religion concernent le plaisir sublimé, et ça devrait s’arrêter là. Les conséquences de la religion administrant la morale sont sanglantes, parce que souvent les postes de Dieu et de religieux sont accordés à des psychopathes.

Je pourrais ébaucher mes conclusions du livre de J.Seznec sur la persistance du paganisme au Moyen Age à travers les astrologues et les médecins.

Ces conclusions n’étant pertinentes, car elles rendraient efficacement pédagogique la lecture du Paradis de Dante. Je préfère persister dans la complexité du journal intime à clé. Béatrice a fait apparition dans ma vie onirique de ces jours. Il arrive que je devrais me relire pour identifier la Béatrice à la Botticelli de mes derniers rêves. Elle apparaît comme une femme noire Guadalupe à profil noble, regard poli mais sensuel et belle coupure afro. Vue et échangé quelques phrases, puis perdue de vue. Cela s’approche du récit de la Vita Nuova.

 mercredi, 10 septembre 2014

Donc on revient au Roman de la Rose, qui est quelque chose de plus revigorant que la Divine Comédie, par où que l’on tienne compte. O bien en tout cas dès qu’on n’est pas encore un moribond.

l’erbe et les flors blanches et perses
et de maintes colors diverses,
c’est la robe que je devise,
por quoi la terre mielz se prise.

La couleur du tissu des coussins chez ma tante Ia, quand on me portait chez elle l’après-midi et que j’avais trois ans ou moins. C’était de la broderie, et le soleil couchant tombait sur les couleurs.

Le Bouddha occidental, d’Europe ou d’Amérique, a besoin de subsumer en un seul concentré ce qui est Bien et ce qui est Mal dans le monde que l’illusion met devant ses yeux. Le mal tombant comme une cicatrice squameuse aux pieds de la figure nue du Bien.

jeudi, 11 septembre 2014

L’exercice de l’écriture a été pour moi, dans le passage à la vie adulte, pour mettre une borne, une affaire qui se fait dans la fièvre. Au son de la musique rythmée. La musique classique à quelques exceptions près (les lieder de Shubert ou Mahler) est inopérante.

Il s’agit que les repères dont Dante ou Shelley ont été depuis un certain temps perdues. Il arrive aussi que le ton d’un journal intime n’a pas « pris », comme une sauce qui ne fait pas émulsion. A ce point l’écriture est un expédient âpre et malpoli qui squatte l’attention du lecteur pour lui faire humer la puanteur d’un auteur sans hygiène psychique depuis des années.

Les livres sont toujours autour mais chaque jour plus méconnus, moins touchés, moins lus, plus sales à cause de la tasse de café posée systématiquement sur leurs couvertures.

Le journal intime n’a pas pris à cause qu’il a dû être effacé au fur et à mesure. Ce qui est peut-être mieux, car un homme qui parle mal d’une femme est quelque chose de regrettable toujours.

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